Perspectives #1
5 minutes pour approfondir l'actu de la presse d'information, du point de vue des éditeurs.
La question du #1 : la presse d'information, un secteur concentré ?
La diversité et le pluralisme de la presse française sont de véritables atouts pour l’information du public, la réalité étant très loin de la caricature parfois véhiculée : avec près de 400 publications de presse information politique et générale (IPG), qui emploient la moitié des journalistes du pays, des actionnariats et des modes de gouvernance très divers (industriels, fondations, associations, familles, petits entrepreneurs...), la France jouit d’un haut degré de pluralisme. Au total, la presse écrite représente 5 500 publications de presse (CPPAP) et emploie près de 70% des journalistes français.
L’œil des experts
Les conclusions de la mission confiée aux Inspections générales des Affaires culturelles (IGAC) et des Finances (IGF) sur la concentration dans les secteurs de la presse, de l'audiovisuel et du multimédia révèlent un haut degré de pluralisme, soulignant notamment que “le segment de la presse quotidienne imprimée d’information politique et générale apparaît faiblement concentré”.
Le droit d’agrément : une idée pas si nouvelle
La question de l'indépendance des médias et de la gouvernance éditoriale est un sujet de débat récurrent dans l'histoire de la presse française. Les récentes discussions parlementaires ont remis sur le devant de la scène des problématiques soulevées il y a déjà plus d'un demi-siècle, notamment dans le rapport Lindon de 1970 qui évoquaient les difficultés liées à la définition de l’information comme un bien d’intérêt général et à la question de l’indépendance des rédactions.
Le Rapport de la Commission Lindon de 1971 et l’analyse de l’Alliance
La diversité des modèles capitalistiques dans la presse : 2 exemples
Ouest-France
La structure actionnariale du quotidien est singulière : un actionnaire unique, l’Association pour le Soutien des Principes de la Démocratie Humaniste, association loi 1901 à but non lucratif, confère au titre une indépendance juridique. Ainsi, Ouest-France peut poursuivre son projet éditorial insensible aux pressions de toute nature. Toute la richesse créée reste à l’intérieur du groupe pour financer son développement.
Groupe Presse et Médias du Sud-Ouest (PMSO)
Les actionnaires de PMSO (une SAS) sont cinq anciens ou actuels salariés qui ont repris le groupe en 2008 à la demande des anciens propriétaires (14 associations diocésaines). Seule une association diocésaine, celle du Loir-et-Cher, a souhaité conserver une infime participation. La plupart des sociétés éditrices propriétés de PMSO sont des SARL. Le groupe édite 15 hebdomadaires locaux (La Vie Corrézienne, Le Journal du Médoc, L’Hebdo de Charente-Maritime, La Renaissance Lochoise, Courrier de Gironde…) et diffuse dans 14 départements. Il emploie 85 salariés, dont 34 journalistes professionnels.
Les Perspectives
Les députés du groupe « Médias & Informations » déposent une proposition de loi pour les droits voisins de la presse
Le député Laurent Esquenet-Goxes (DEM), co-président du groupe « Médias et Information - Majorité Présidentielle » (dit « MIMP ») avec Violette Spillebout et Jérémie Patrier-Leitus, a déposé vendredi 26 janvier avec 23 parlementaires une proposition de loi visant à renforcer l’effectivité des droits voisins de la presse.
L’objectif : renforcer l’arsenal juridique sur ce sujet face à “des entreprises du numérique ne jouent pas le jeu de la négociation”.
En partenariat avec Samuel Etienne, l’Alliance de la presse arrive sur Twitch
Les éditeurs de presse d’information s’associent avec Samuel Etienne afin d’aller à la rencontre du public jeune. Chaque vendredi, un journaliste d’une rédaction adhérente sera en direct lors de la revue de presse du jour pour présenter un article récent et expliquer en détail le processus éditorial et la démarche journalistique. L’objectif : expliquer le travail journalistique et promouvoir une information fiable et pluraliste.
Revue de presse sur la transition écologique : l’Alliance met à disposition des journalistes un outil dédié et gratuit
Chaque matin, avant 6h00, les abonnés à cet outil recevront une sélection d'articles de presse pertinents, rassemblés à partir de près de 300 titres adhérents de l’Alliance. Cet accès privilégié, accessible via un simple push mail et une interface intuitive, aidera à rester informé des dernières avancées et discussions en matière d'environnement à partir du travail des rédactions de presse d’information.
Recevoir la veille
Utilisation des images par les IA : L'importance de la charge de la preuve et de la transparence
Une cour californienne* a rejeté les accusations de violation de copyright contre deux services d’IA générative, Midjourney et DeviantArt, faute de preuves suffisantes, tout en maintenant les charges contre un troisième, Stable Diffusion. Les plaignants, trois artistes, affirment que des milliards d'images protégées ont été utilisées sans autorisation pour l'entraînement des IA génératives. Le juge a demandé des précisions sur l'utilisation de "copies compressées" des œuvres durant l'entraînement des IA, ce qui pourrait déterminer l'existence de reproductions non autorisées. La transparence de Stable Diffusion sur ses méthodes d'entraînement, contrairement à ses homologues, semble avoir déterminé la décision.
*Le 30 octobre 2023 décision rendue par Wiliam H. Orrick « United States District judge»
Pourquoi la publicité pour certains secteurs est restreinte à certains médias ?
Le décret 92-280 du 27 mars 1992 a interdit strictement le secteur de la distribution à la publicité télévisée afin de protéger, dans un objectif de sauvegarde du pluralisme, les secteurs de la presse, de la radio, de l’affichage et les médias locaux, particulièrement dépendants du secteur de la distribution.
Si, le décret du 7 octobre 2003 a assoupli cette interdiction en ouvrant partiellement, à dater du 1er janvier 2007 pour les chaînes hertziennes, le secteur de la distribution à la publicité télévisée, des restrictions ont été maintenues, toujours dans le but de sauvegarder le pluralisme des médias en France.
Aujourd’hui, le sujet revient de nouveau à l’ordre du jour à la demande des syndicats de télévisions, notamment en demandant une levée de l’interdiction de la publicité pour les opérations commerciales de promotion de la distribution.
Aucune circonstance nouvelle depuis l’instauration de cette protection des secteurs de la presse et de la radio en 1992 ne permettrait de justifier une telle ouverture bien au contraire puisque l’économie du secteur de la presse en particulier a chutée de près de 50% depuis la mise en place de cette interdiction.
Le point juridique de l’Alliance
Le Conseil d’Etat a confirmé la validité de l’article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 dans un arrêt en date du 29 décembre 2021. Dans le cadre de l’examen de la licéité de l’interdiction en cause, cet arrêt est plus pertinent que celui de la CJUE. En effet, (i) non seulement il concerne précisément la mesure contestée et, (ii) de surcroît, il est postérieur à l’arrêt de la CJUE.
Dans cette affaire, les arguments soutenus par la requérante étaient en tous points identiques à ceux du SNPTV. Ainsi, Lidl soutenait que, puisque l’interdiction ne s’étend pas à la publicité en ligne, celle-ci n’est pas adaptée à l’objectif poursuivi et est donc illégale.
Toutefois, ces arguments ont été rejetés par le Conseil d’Etat :
« D’autre part, en se bornant à soutenir que l’interdiction litigieuse ne s’étend pas à la publicité en ligne et qu’elle ne concerne qu’une partie seulement de la publicité pour le secteur de la distribution, la requérante n’établit pas qu’elle ne saurait être regardée comme adaptée à l’objectif qu’elle poursuit, lequel consiste, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, à favoriser l’accès à la ressource publicitaire des éditeurs de radio et de presse écrite, dont la situation économique est, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, fragile. La circonstance, invoquée par la requérante, que les ressources publicitaires de la presse écrite auraient diminué malgré l’interdiction posée par ce décret, ne saurait, à cet égard, établir que les dispositions litigieuses ne seraient plus, à la date de la présente décision, proportionnées à l’objectif poursuivi. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus d’abrogation attaqué méconnaît les articles 56 et 57 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit être écarté ».
Cette décision paraît parfaitement fondée. En effet, l’article 8 du décret n° 92-280 constitue toujours une protection à l’accès à la ressource publicitaire des éditeurs de radio et de presse écrite. L’émergence de la publicité en ligne n’a pas modifié ce constat puisque sans cette mesure, la situation économique des éditeurs de radio et de presse écrite serait encore plus détériorée. En outre, cette émergence du secteur digital n’a pas non plus remis en cause la nécessité de protéger les éditeurs de radio et de presse écrite mais au contraire, l’a renforcée.